ALM : Pourquoi avoir créer ce centre à Casablanca?
Abdelkrim Manouzi : La création de ce centre s’inscrit dans le cadre des projets relatifs à la réparation communautaire qui sont en cours d’exécution dans 11 régions. Cette structure a été créée suite à l’absence d’une prise en charge des victimes de torture et de la détention arbitraire par les structures de l’Etat. Les médecins qui ont assuré jusqu’alors à titre militant l’accueil et le suivi des victimes ont pris l’initiative, dans le cadre de la stratégie intégrée de réadaptation et de réhabilitation des victimes de la torture, de mettre en place un centre autonome de soins. Ce projet était prévu depuis deux ans. Et nous avons eu, il y a 6 mois l’approbation pour la création du centre médical multidisciplinaire. Le montant global de ce projet est de 500.000 DH, une somme relativement modeste pour venir en aide aux nombreuses victimes. L’Etat a mis à notre disposition le local qui est un ancien commissariat délabré. 70.000 DH ont été nécessaires pour rénover le local. L’ouverture de ce centre a été rendue possible grâce au soutien du CNDH, de l’UE et de la Fondation CDG. Ce projet d’une année se limite à Hay Mohammedi. Par la suite, nous espérons trouver les moyens financiers pour pérenniser ce projet.
Comment s’est fait le choix pour Hay Mohammadi ?
Ce choix n’est pas un hasard. Au contraire, Hay Mohammadi est connu pour être un quartier qui a été souillé par les années de plomb où des milliers de détenus politiques ont été victimes des pires atrocités. Ce quartier a vécu un véritable cauchemar en abritant le centre de torture de Derb Moulay Chrif.
Quels sont les bénéficiaires du centre ?
Ce centre cible les victimes de torture des années de plomb, les femmes victimes de violence ainsi que les personnes handicapées. Le centre propose une prise en charge médico-psycho-sociale des victimes souffrant des séquelles de tortures et des violences politiques subies. Cette structure d’une superficie de 130 m2 comprend deux unités : une unité de psychiatrie avec une prise en charge psychologique des victimes et une unité de rééducation en kinésithérapie. L’objectif de l’Association est d’apporter des soins appropriés et un soutien complémentaire, et social aux victimes donc une réponse globale aux effets dévastateurs, multiples et profonds de la torture.
Cette nouvelle structure est-elle en mesure de faire face aux besoins ?
Nous sommes conscients que la présence d’un seul centre de soins à Casablanca ne suffit pas pour faire face aux besoins des personnes souffrant des séquelles de la torture et de la violence politique. C’est la raison pour laquelle nous accordons une importance primordiale aux formations et au transfert de compétences et ce à travers des séminaires de formations organisés avec l’Organisation médecins du mondes. Cette initiative vise à former des personnes qui seront à l’écoute et pourront prendre en charge les victimes. Nous revendiquons la création d’un centre national de réhabilitation des victimes de torture et des années de plomb. Nous avions soumis cette revendication à l’IER du temps de feu Driss Benzekri. Celle-ci avait été adoptée mais elle est restée sans suite. Cette structure permettra de tourner la page du passé.